Dans de nombreux pays[1], la loi protège les femmes et les hommes[2] contre la violence conjugale[3], avec des mesures de prévention, de protection des victimes et de condamnation des partenaires violents et des récidivistes. Voici un extrait du Code civil français :
Lorsque les violences exercées au sein du couple ou par un ancien conjoint, un ancien partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou un ancien concubin mettent en danger la personne qui en est victime, un ou plusieurs enfants,
le juge aux affaires familiales peut délivrer en urgence
à cette dernière une ordonnance de protection[4].
Même si son approche est différente[5], l’Eglise, dénonce également les violences et manipulations dans le couple, comme en dispose le code de droit canonique :
Can. 1153 — § 1. Si l’un des conjoints met en grave danger l’âme ou le corps de l’autre ou des enfants, ou encore si, d’une autre manière, il rend la vie commune trop dure, il donne à l’autre un motif légitime de se séparer en vertu d’un décret de l’Ordinaire du lieu et même, s’il y a risque à attendre, de sa propre autorité.
En pratique, cette loi canonique de l’Eglise est peu connue et peu appliquée[6], de même que les recommandations du synode de la famille sur la violence dans les couples. (Amoris Laetitia N° 153 à 156).
Etant admis que la violence domestique est condamnable, il importe de la détecter à temps, d’objectiver le niveau de violence et le seuil de tolérance, pour choisir des conduites appropriées. Dans cette perspective, des campagnes d’informations sont menées sur la violence conjugale, expliquant qu’elle suit en général un cycle qui se reproduit au fil du temps, et augmentant progressivement d’intensité.
Etapes | Vécu de l’auteur | Vécu de la victime |
Tensions | Colère | Peur de déplaire |
Agression | Perte de contrôle | Humiliation, désespoir |
Explication | Culpabilisation | Culpabilité |
Réconciliation | Expression de regrets | Espoir que c’est la fin |
Tensions | Colère | …/… |
Agression | …/… | …/… |
Il en résulte diverses formes de violences.
Les pages précédentes donnent des premières pistes pour rétablir le dialogue mais, si elles ne suffisent pas, une des premières choses à faire est de prendre conscience du caractère inacceptable de la violence, et d’en parler autour de soi pour ne pas rester isolé en position de victime impuissante.
Même si l’un des conjoints ou les deux peuvent le supporter pour eux-mêmes, ils doivent lutter courageusement contre le climat de violence domestique, en faisant, si nécessaire appel à un tiers, car cette violence provoque sur le couple et sur les enfants un impact dévastateur et durable.
Si la violence est forte, il convient de recourir à la loi, ce qui est nécessaire mais doit être effectué avec précaution car, « summum ius, summa injuria », dit l’adage latin, ce qui veut dire qu’on peut aussi se servir de la loi pour l’injustice. Comme cela est développé au chapitre 2 sur la médiation, il convient de se garder des deux écueils suivants :
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Source de l’image : avocat Steyer
[1] Ex ; En France, loi n° 2010-769 du 9 juillet 2010 relative aux violences faites spécifiquement aux femmes, aux violences au sein des couples et aux incidences de ces dernières sur les enfants
[2] 88 % de femmes et 12 % d’hommes en France.
[3] En Belgique, la fréquence est estimée à un couple sur huit. http://www.mon-couple-heureux.com/violences-couple/
[4] Article 515-9 du Code civil français.
[5] En prenant position pour la victime, contre l’agresseur, l’Etat peut aggraver la situation en se posant en sauveur
[6] Combien de couples demandent un décret de l’évêque avant de se séparer ?
Lorsqu’un conflit dérape, il est un autre apprentissage essentiel pour les fiancés comme pour les conjoints, qui consiste à s’excuser. En effet, la vie commune va immanquablement provoquer des blessures de l’un vis-à-vis de l’autre. Ne pas voir qu’on a une responsabilité dans le fait que l’autre est malheureux est un aveuglement grave. Heureusement, le dialogue et la vie commune donnent souvent l’occasion de découvrir sa part. C’est une chance qui nous est faite de nous améliorer.
Je ne vois pas d’autre issue que chacun de nous fasse un retour sur lui-même et extirpe et anéantisse en lui tout ce qu’il croit devoir anéantir chez les autres[1].
Pour rétablir la relation au plus vite, il importe d’apprendre à s’excuser, avec les cinq manières suivantes.
Je commence à me rendre compte que, lorsqu’on a de l’aversion pour son prochain, on doit en chercher la racine dans le dégoût de soi-même[2].
Dans son chapitre sur le pardon, Gary Chapman rappelle que le pardon n’est pas un sentiment mais une décision qui conclut une démarche personnelle de liberté. Il est caractérisé par le fait que :
Les civilisations anciennes ont des bonnes pratiques de pardon qui méritent d’être soulignées et, par exemple la pratique polynésienne de Ho’oponopono, basée sur une philosophie de la vie dans lequel chacun se reconnaît responsable de ses pensées et des situations qu’il rencontre mais aussi de sa mémoire corporelle qui concentre tous les conflits du passé non purifiés. Aussi pour parvenir à un état de paix, il est inutile de chercher à changer l’autre et de se comporter en victime de la fatalité. La solution consiste à effacer en soi les mémoires devenues limitantes et de lâcher prise pour évoluer vers des situations positives et constructives.
Une des techniques proposées pour se libérer de cette mémoire, source de tensions et de conflits, consiste à prononcer intérieurement le mantra Ho’oponopono constitué de la formule suivante : « Désolé, pardon, merci, je t’aime » où les mots portent la signification suivante :
De même, le christianisme se veut être une école de pardon, et l’Evangile propose des passages forts qui peuvent les aider à reconnaître leurs torts et à s’excuser plutôt qu’à accuser.
Si tu te souviens que ton frère a quelque-chose contre toi,
laisse-là ton offrande et va d’abord te réconcilier avec lui.
(Matthieu, 5, 23)
Quoi ! Tu regardes la paille dans l’œil de ton frère ; et la poutre qui est dans ton œil, tu ne la remarques pas ? (Mathieu 7, 3)
Ses nombreux péchés ont été pardonnés : car elle a beaucoup aimé. Mais celui à qui on pardonne peu aime peu. (Luc 7, 47)
Ne devais-tu pas, à ton tour, avoir pitié de ton compagnon, comme moi-même j’avais eu pitié de toi ?” (Mathieu 18, 33)
Globalement, il existe de nombreux livres spécifiques sur le pardon pour les personnes qui voudraient approfondir le sujet, entre autres :
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Source de l’image : Centerblog
[1] Etty Hillesum, Une vie bouleversée.
[2] Etty Hillesum, Une vie bouleversée, notes du 28 novembre 1941.
Lorsqu’une difficulté se présente, la pire solution est la politique de l’autruche, ou celle de l’évitement, qui consiste à nier le problème, en « glissant la poussière sous le tapis »
Comme l’explique aux enfants le conte de Jack Kent, « les dragons, ça n’existe pas », les problèmes de la vie, symbolisés ici par le dragon, grandissent inexorablement jusqu’à envahir tout l’espace tant que leur existence n’est pas reconnue. Lorsqu’on les reconnaît et qu’on accepte de les affronter, le dragon qui les symbolise reprend alors la taille d’un chat, et il devient gérable.
Dans un couple, rien n’est assez insignifiant
pour ne pas valoir la peine de se battre[1].
En effet, tous les problèmes non résolus laissent de l’amertume entre les époux, de manière inexprimée mais bien réelle. Faute de les évoquer sérieusement, avec confiance et précision, ils vont peu à peu saper les fondations invisibles, la connivence et la confiance qui soutiennent le mariage.
A l’inverse, un peu d’attention, de courage et d’honnêteté dans le couple peuvent éviter que les problèmes s’accumulent et s’aggravent, au point de créer des difficultés relationnelles insurmontables.
Mettez-vous en colère, mais ne vous fâchez pas.
Que le soleil ne se couche pas sur votre colère[2].
Finalement, il vaut mieux prendre le risque de provoquer un conflit pour faire ressurgir la vérité et la paix sur le long terme plutôt que de fermer les yeux sur les micro-crises du couple, en les supportant à contrecœur, au risque de nourrir une rancune.
Certains conflits reviennent régulièrement car ils résultent d’un antagonisme fondamental, entre les époux qui ont deux façons positives opposées de concevoir la vie. Gert Hofstede, Jacques Demorgon, et plus récemment l’ATCC signalent par exemple les antagonismes entre
Dans ces cas-là, il ne sert à rien de plaider pour une vision du monde plutôt qu’une autre, mais plutôt de rechercher un motus vivendi, où les deux conjoints ayant une vision du monde opposée pourront trouver un compromis acceptable par les deux.
Figure 14 : valeurs, culture, personnalité[4]
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Source de l’image : Babelio
[1] Jordan B. Pederson, 12 règles pour une vie. Règle 10 Soyez précis dans votre discours. Ce chapitre inspire la présente section.
Une parole douce apaise la fureur,
une parole blessante fait monter la colère
(Proverbes 15 v1)
Un psychologue américain, John M. Gottman, a beaucoup travaillé sur les signes prémonitoires de difficultés, au point qu’il prétend être capable de prédire un divorce en observant pendant cinq minutes la façon dont les conjoints se disputent. Sans le suivre dans ses prétentions qui ne prennent pas en compte l’évolution des personnes, nous retiendrons sa distinction entre les couples « émotionnellement intelligents » promis à un mariage durable, et les autres qui doivent travailler à le devenir :
Plus un enfant est conscient de ses propres émotions, mieux il est capable d’entendre les autres et de s’entendre avec eux, et plus l’avenir lui sourit, quel que soit son quotient intellectuel. […] Les partenaires amoureux peuvent eux-aussi acquérir les bases de ce savoir-faire[1].
D’après lui, les mariages heureux se ressemblent sur trois principaux points :
A l’inverse, John M. Gottman évoque une série de sept indices laissant présager une séparation des époux : [Jean Gottman, op. cit. p 46 et sq.]
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Sources de l’image : isockphoto
[1] John M. Gottman, op. cit. p. 16
[2] Les trois attitudes ci-dessus peuvent se succéder ou coexister comme indiqué dans la section 2.5.1. sur le triangle dramatique.
[3] John M. Gottman explique que les conflits conjugaux sont physiquement plus difficiles à supporter pour les hommes, car, d’après les travaux de Dolf Zilmann à l’université d’Alabama, les hommes mettraient statistiquement plus de temps à récupérer d’un stress que les femmes.